
Dimanche 25 septembre 2022, à 10 h 15 heure locale (02 h 15 CET), s’élancera la quatre-vingt-neuvième édition des Championnats du Monde Elites Hommes.
Helensburgh – Wollongong : 266.9 kilomètres à encaisser au cours d’une des journées les plus longues de l’année. Portée par un cumul de dénivelé positif à 3945 mètres selon les organisateurs. Un détail qui laisse planer le doute sur les chances éventuelles des sprinteurs face aux meilleurs puncheurs-grimpeurs. Pour faire partie d’une caste à part, pour faire partie de ceux qui ont eu l’unique privilège de porter le maillot arc-en-ciel durant une année calendaire… de septembre à septembre. Et rejoindre les grands noms au panthéon du cyclisme pour maintes générations.
DES ABSENTS DE MARQUE
Loin d’avoir une startlist au rabais, de grands noms manquent à l’appel pour ce mondial en Australie pour diverses raisons :
- Blessures : à ce jeu, la Slovénie est la grande perte avec l’absence de Primoz Roglic, qui a dû abandonner la Vuelta a Espana sur chute. La Belgique n’est pas en reste avec Tiesj Benoot qui aurait été un coéquipier de luxe pour Wout van Aert et Remco Evenepoel sur un tel parcours.
- Décisions budgétaires : voyager à l’autre bout du monde à un coût et certaines sélections, avec l’incertitude d’y faire un résultat, ont décidé de ne pas faire le voyage. C’est le cas notamment de l’Irlande de Sam Bennett, qui semblait avoir retrouvé de sa superbe sur le Tour d’Espagne.
- Non sélectionnés : si l’absence de Caleb Ewan à domicile est préjudiciable, la Belgique devant composée sans Dylan Teuns est à la limite de l’aberration face à la sélection de Stan Dewulf. Après une saison plus qu’abouti, le vainqueur de la Flèche Wallonne était prédisposé à se mettre au service de ses leaders. Une absence dont l’avenir, nous dira si elle a pesé.
- Méforme : pour bon nombre, arriver à 100 % sur les championnats du monde est une priorité. Tom Pidcock avec un parcours à sa main pouvait rêver de compléter sa chasse au titre mondial, après celui de cyclo-cross à Fayetteville, le 30 janvier dernier. D’autres ayant eu une Vuelta éreintante ont été contraints de décliner l’honneur d’une sélection. C’est le cas du troisième du dernier Grand Tour de la saison, Juan Ayuso et de son coéquipier émirati, Brandon McNulty, mais aussi de Richard Carapaz.
- Choix personnel : d’évidence, la sélection danoise est la moins bien lotie dans ce cadre. Champion du monde 2019 à Harrogate et vainqueur de trois étapes de la Vuelta, Mads Pedersen a choisi de consacrer la fin de sa saison à ses obligations familiales. Quand Jonas Vingegaard, vainqueur du Tour de France, lui a fait le choix de la décompression médiatique d’après-Tour. À l’opposé, certains en raison du jetlag qu’impose un aller-retour en Europe, ont fait des classiques italiennes une priorité. C’est le cas de Quinn Simmons et de Matej Mohoric pour ne citer qu’eux.
- Géopolitique : d’aucuns n’aura oublié le conflit ukrainien qui alimente les médias depuis plusieurs mois. Les sélections russes et biélorusses se sont vues bannies des épreuves pour des raisons politiques. Aleksandr Vlasov doit donc en subir les conséquences.
- Course aux points UCI : trois formations ont fait le choix de mobiliser leurs coureurs pour chasser le plus grand nombre de points afin d’assurer leur maintien. La sélection espagnole est la plus touchée par cette guerre aux moindres points UCI avec des coureurs de Movistar et Codifis étant indisponibles pour la plupart. A ces coureurs s’ajoutent la Lotto-Soudal de Victor Campenaerts.
COMPARAISON N’EST PAS RAISON
Dans un vent de modernité, les championnats du monde 2022 empruntent un format concurrançant le format en circuit. C’est-à-dire une étape en ligne plus ou moins longue, précédent un circuit comme ce fut le cas de 2010 à 2013 et de 2016 à 2019).

225 kilomètres de l’arrivée :e Mont Keira sera gravi à cette seule occasion. A cause de son placement trop tôt dans la course, cette difficulté de 8.7 kilomètres à 5 % ne doit être vu que comme un complément à l’usure de la course. La question n’est donc pas de savoir si un mouvement de course sera lancé dès cette difficulté. La réponse est évidemment non. Mais plutôt de se demander si une équipe y imprimera un tempo plus élevé qu’il ne devrait l’être, pour fatiguer les organismes des concurrents et y entamer un long travail de sape. Ici, la réponse est moins évidente quand on sait qu’une telle stratégie peut être gagnante afin d’user Wout van Aert.
L’épreuve prendra tout son sens sur un circuit urbain de 17.1 kilomètres à parcourir douze fois.

Des tours du circuit urbain que les coureurs entameront au bout de 61.9 kilomètres de course.

Juste après la ligne de départ, un premier tournant avec un des nombreux rond-point du circuit à franchir.

Un mobilier urbain avec lequel le peloton doit composer et qui a pour effet de tendre le peloton par intermittence.

Tout comme ces nombreuses relances qui obligeront les nations à toujours être bien placées pour ne pas subir la tension du peloton sur le circuit et éviter d’être piégées par les mouvements de course.

Un circuit qu’on aura constaté mal-plat, sur les contre-la-montre et les courses dans les catégories juniors – espoirs.

Ces dernières courses ont montré des opportunités et des mouvements gagnants « sur le plat », tous les yeux sont tournés vers l’enchainement Mount Ousley – Mount Pleasant.

Un Mount Ousley qui a été vu et revu lors des épreuves individuelles et collectives chronométrées puisqu’elle était la difficulté du circuit qui les accueillaient.

Cependant, c’est bien du Mount Pleasant qu’il faut se méfier. Un kilomètre en pallier, mais avec une pente moyenne vertigineuse frôlant les deux chiffres.
Un terrain parfait pour une attaque nucléaire des puncheurs. Un mouvement qui pourrait s’avérer glorieux. Romain Bardet déclarait dans l’Equipe, à juste titre, qu’avec seulement cinq secondes au sommet, une attaque d’un groupe de trois-quatre coureurs pourrait être victorieuse. Une affirmation qui s’est vérifiée sur la course espoirs avec Vacek et Fedorov qui ont basculé avec ce crédit sur un peloton qu’une quinzaine d’unités.

Au dernier passage, il ne restera que 7.85 kilomètres pour rallier la ligne d’arrivée. Un effort court et intense et surtout un terrain compliqué pour mener une chasse organisée.

L’espoir des sprinteurs pourrait être de comparer le Mount Pleasant au Challambra Crescent, difficulté utilisée par la Cadel Evans Road Race. La majorité des éditions disputées entre 2015 et 2020 ont vu pour résultat final un sprint réduit d’une vingtaine d’unités. Un optimisme à tempérer par trois paramètres. Premièrement, par le placement de la course dans le calendrier, qui joue un rôle prépondérant sur la forme de nombreux coureurs. Si le mondial est le dernier grand rendez-vous pour de nombreux coureurs sélectionnés avec leur Nation. Le lancement de la saison dans l’hémisphère sud est le début de la prise de rythme à la sortie de la préparation hivernale. Deuxièmement, par une distance réduite en ouverture de saison. » Seulement » 170 kilomètres contre 90 kilomètres de plus en fin de saison pour les mondiaux. Troisièmement, à cause du dénivelé positif total, corollaire de la longueur de la course. Avec 1735 mètres de moyenne, la Great Ocean Road Race ne fait guère face à Wollongong et ses près de 4000 mètres.

Si le circuit de Wollongong devait avoir une analogie récente, Bergen serait le meilleur parallèle ; du moins le plus proche. Avec une courte difficulté aux pentes abruptes en plein milieu d’un parcours urbain favorable à un groupe de chasse. Rendant le scénario illisible ou tout du moins flou entre les grimpeurs/rouleurs, puncheurs et sprinteurs.

Pourtant, il ne fait aucun doute que le Mount Pleasant est légèrement plus raide que Salmon Hill. À noter que le circuit des Mondiaux 2022 comporte une répétition de plus de sa difficulté phare, ce qui tendrait à expliquer les 158 mètres de dénivelé positif supplémentaire par rapport à l’édition 2017.
UN CAPRICE DES DIEUX ?



Si la météo a été des plus capricieuses pour les courses juniors-espoirs et devrait l’être tout autant pour les courses féminines juniores et élites, les précipitations ne devraient pas frapper la course masculine.

Si sur un circuit urbain, le vent est à minorer, il est deux paramètres qu’il est indispensable de prendre en compte :
- le vent sera favorable dans le Mount Pleasant ;
- le sprint s’abordera avec un vent côtier, plutôt de côté.
UNE COMPOSITION BELGE EN[WOUT]ANTE ?

Peu importe les années, peu importe le circuit, Wout van Aert serait le favori légitime tout désigné sur un parcours cousue-main pour l’homme à tout faire de la Jumbo-Visma.
Flanders 2021 aura été une catastrophe. La stratégie du leader unique n’aura pas eu les effets escomptés. L’après-course n’aura été qu’une farce par médias interposés. C’est avec un esprit revanchard et une cohésion « retrouvée » que la sélection belge s’aligne en Australie. Parmi les sélections alignant 8 coureurs, la Belgique fait figure de favorite avec Wout van Aert et Remco Evenepoel dans ses rangs.
Du côté de Sven Vanthourenhout, les consignes sont claires : le tout pour WVA est révolu. Du côté des coureurs, l’objectif est évident : faire que la Belgique soit championne du monde, peu importe le coureur qui ira chercher le titre. Quand bien même un co-leadership émergerait. Malgré cette envie de cacher le plan belge, en faisant surgir notamment Quinten Hermans en possible plan B, voire Jasper Stuyven ou Yves Lampaert. La tactique belge est lisible de tous. Les hommes de Vanthourenhout doivent et devront verrouiller un maximum la course, neutraliser au mieux les offensives et tout faire pour que Wout van Aert soit le plus frais possible en vue du dernier passage du Mount Pleasant.
La présence de Remco Evenepoel, cette fois, ne pose pas autant de questions que l’an passé. Pour aider au mieux Wout van Aert et faire travailler les autres nations, R.Ev devra être offensif et jouer sa carte personnelle. Ce n’est donc pas une question de savoir si le jeune prodige à la permission de le faire, mais de savoir quand et s’il aura les jambes de le faire. Impossible pour les autres nations de laisser Remco, faire le coup de Liège-Bastogne-Liège. Laisser le coureur de la Quick Step Alpha Vinyl faire ce qu’il sait faire de mieux, c’est-à-dire partir dans un raid solitaire serait un suicide. D’autant qu’aucune nation ne voudra prendre la responsabilité d’emmener Wout van Aert sur son porte-bagage.
Une tactique qui comporte son lot de défaut puisque malgré ses progrès en termes de punch, Evenepoel est censé dans une large majorité être battu au sprint, s’il est accompagné. En vérité, le plan devrait être d’utiliser Remco pour contrer toutes les attaques, sauter sur tout ce qui bouge et ne pas collaborer pour permettre à ce que le groupe Van Aert fasse la jonction, en étant à l’origine d’une désorganisation. Avec deux options possibles, soit que Wout van Aert arrive en solitaire dans une attaque à la Cap Blanc Nez, soit en misant sur un sprint réduit. Mais surtout d’éviter au maximum un sprint en petit comité où il aura été usé avant de l’aborder, et où il a prouvé par le passé être souvent battu. L’inconnu demeure maintenant à ce que Remco ne manque pas de jus après son succès sur la Vuelta.
Bien qu’habitué à la pression que créer un objectif mondial depuis tout jeune, Wout van Aert doit supporter un sacré poids. Ses résultats sur les grands objectifs, ont démontré qu’il n’est pas plus grand ennemi que lui-même. À Imola, en 2020, le groupe de chasse derrière Julian Alaphilippe comptait entièrement sur son travail. Un schéma qui s’est une nouvelle fois reproduit aux Jeux Olympique de Tokyo, l’été dernier, où la chasse de Richard Carapaz reposait sur les épaules du belge. Logique, tant le pensionnaire de la Jumbo-Visma, qui a prolongé jusqu’en 2026, est dominateur sur ces événements.
Est-ce donc un hasard que ces courses d’un jour au plus haut rang mondial se résument à un tous contre un ? Est-ce bien étonnant que depuis le Championnat d’Europe de cyclo-cross à Rosmalen en 2018, Wout van Aert enchaîne les places d’honneur et plus précisément les médailles d’argent. Un goût de l’argent retrouvé aux mondiaux de CX, à Bogense, en 2019 et à Ostende, au cours de l’hiver 2021. Mais aussi aux contre-la-montre d’Imola et du contre-la-montre des Flandres. Un goût amer qui lui aura imposé d’éviter une épreuve individuelle qu’il aura pu remporter. Une fuite en avant d’un titre mondial qu’il pourrait regretter, tant on se rappelle qu’il avait aussi évité un titre mondial quasi-assuré à Fayetteville, pour se préparer au mieux pour les Monuments du printemps, dont il est reparti bredouille.
TOUS UNIS CONTRE LA BELGIQUE

Après deux titres mondiaux consécutifs grâce au doublé de Julian Alaphilippe, la France arrive sans pression à Wollongong. La France remet le titre en jeu, rien de plus. Si la lumière a été faite par le meilleur puncheur du monde, c’est bien l’ombre de Thomas Voeckler qui a le plus fait parler d’elle lors de ces deux titres. Pour cause, le sélectionneur français a joué de malice par des trouvailles tactiques surprenantes, parfois déroutantes. À Imola, le coup de bluff était de faire croire à une équipe de France qu’elle se voyait trop belle. À Louvain, la tactique était de faire croire à la folie en lançant les grandes manœuvres d’une distance rarement vue. Cette fois, le coup de bluff semble tourner autour de Benoit Cosnefroy. Appelé de dernière minute, le successeur longtemps désigné de Julian Alaphilippe dans le domaine du punch ressemble de plus en plus à un leader qu’on essayerait de dissimuler.
Benoit a déclaré en janvier qu’il ne voulait pas de Coupe du monde en tant qu’assistant d’Alaphilippe. Avec [ce dernier] moins en forme que d’habitude et Benoit qui a gagné au Québec, on lui aura donné des garanties qu’il pourra remonter dans la hiérarchie.
stan dewulf en conférence
Mais si cette fois, la stratégie de Voeckler était plus perfide. Les deux dernières années, le sélectionneur a toujours réussi à masquer un leadership unique et une sélection fédérée à la cause de son leader. Mais si cette fois, l’objectif était tout autre. Et si la France n’avait pas un leader, ni même un co-leadership, mais une pluralité de leaders ?
Sur le papier, non content d’avoir neuf coureurs (car le champion du monde en titre ne fait pas partie des quotas imposés), la France a une véritable armada offensive. Et à n’en pas douter le meilleur effectif. La sortie prématurée de Julian Alaphilippe de la Vuelta et ses récentes déclarations vont dans le sens d’une condition physique approximative. Les probabilités que Loulou ne soit pas à 100 % le jour-J sont élévés. Même si le double champion du monde en titre est l’un des meilleurs du monde lorsqu’il s’agit de préparer un événement. Sa sortie de la Vuelta était peut-être une aubaine. Une sortie que certains jugeront opportunistes. Mais une sortie qui dans tous les cas se restera pas anodine sur le résultat de dimanche.
Évidemment pour pallier une méforme de sa tête d’affiche emblématique, la France peut compter sur Benoit Cosnefroy, qui n’a jamais paru aussi fort de sa vie. Les indications données sur son travail titanesque en Flandre n’étaient qu’une confirmation de tout le bien qu’on pouvait penser de lui après sa victoire à la Bretagne Classic et sa médaille de bronze aux Championnats d’Europe. Cette année a été encore plus marquante avec un goût d’inachevé à l’Amstel Gold Race et à la Flèche Brabançonne. Sa victoire à Québec est un nouveau step-up que le normand devrait au plus vite confirmer.
Valentin Madouas séduisant sur les classiques, sur le Tour de France et plus récemment au Limousin et Luxembourg offre un éventail tactique très large à l’équipe de France. Si on considère qu’à la fois Romain Bardet et Christophe Laporte peuvent aussi apporter leur pierre à l’édifice.
L’énorme avantage du clan français, c’est que le champ des possibles est si large que l’équipe est illisible. Alors, lançons-nous un défi : celui de trouver le plan Voeckler :
- Quatrième tour : laisser Bruno Armirail lancer la première estocade sur le plat ;
- Cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième : laisser Quentin Pacher, Romain Bardet et Pavel Sivakov attaquer à tour de rôle et suivre les coups ;
- Dizième et antépénultième tour : attaque de Valentin Madouas dans le Mount Ousley ;
- Onzième et avant-dernier tour : attaque de Julian Alaphilippe dans le Mount Pleasant ;
- Douzième et ultime tour : attaque de Benoit Cosnefroy dans le Mount Pleasant ;
- Sprint : jouer la carte Christophe Laporte ou Florian Sénéchal suivant la forme et l’usure de la course.

Après le Grand Prix de Montréal, les rapports de force ont changé entre Wout van Aert et Tadej Pogacar. Le slovène a montré une fois de plus qu’il est l’un des plus rapides du monde, si ce n’est le plus rapide dans un sprint en petit comité quand la course a été harassante. Laruns sur le Tour de France 2020 et Liège-Bastogne-Liège 2021 en sont les meilleurs exemples. Parmi les meilleurs du monde dans les pentes abruptes, Pogacar fait partie de ses épouvantails qui adoreront durcir la course dans le Mount Pleasant. Le problème majeur de Pogi réside dans la faiblesse de son équipe. La Slovénie n’a absolument pas les armes pour lutter face aux grandes nations. Alors pourquoi ne pas utiliser Jan Tratnik de manière offensive pour profiter des mouvements de course sur le circuit. Des mouvements qui peuvent s’avérer victorieux tant qu’il est compliqué d’être bien organisé sur un tel circuit.

A chaque grand événement, il est deux questions qui ressortent :
- Mathieu van der Poel sera-t-il aussi fougueux ?
- Quel est la forme de MVDP ?
Je ne peux pas contrôler l’opposition et le parcours de la Coupe du monde, mais je peux me contrôler. Et je suis prêt pour ça.
Mathieu van der poel en conférence de presse
À la première interrogation, le néerlandais aura répondu avec maturité. Un constat assez criant, tant on voit l’offensive petit-fils de Raymond Poulidor courir de plus en plus intelligemment. Comme un chien-fou qui a compris qu’il était vain de chasser les voitures.

À la seconde, il n’y a juste qu’à observer ses données. Sur trente minutes, une heure et deux heures, elles n’ont jamais été aussi bonne que sur les Strade Bianche 2021 qu’il a remporté haut la main. La présence du prodige néerlandais est de bonne augure pour les équipes désireuses d’utiliser le circuit de Wollongong pour dynamiter la course. Un potentiel dynamique que les Pays-Bas peuvent utiliser tant avec Dylan van Baarle, qui a déjà montré être l’un des meilleurs du monde dans les courses d’usure (vainqueur de Paris-Roubaix et 2e à Louvain). Qu’avec Bauke Mollema, dans un parcours qui semble cousue-main pour un pitbull comme lui, ne lâchant jamais le morceau.

Nous ne sommes pas favoris
daniele bennati sur le site de la fédération italienne
Une équipe italienne toujours présente lors des grands rendez-vous. Une des nations parasites de ce mondial. Pourquoi parasite ? Parce que les ambitions du sélectionneur Daniele Bennatti sont mesurées. Avec l’objectif de bien figuré dans le Top 10. Mais avec des leaders de la trempe d’Alberto Bettiol, toujours en excellente condition sous la bannière Azurri. L’équipe a fière allure. Matteo Trentin en co-leader est au moment phare de sa saison où il brille année après année quand l’automne approche. En forme sur le Luxembourg, le coureur de la UAE émirates a envoyé de bons signaux en vue de Wollongong. Un constat similaire qui peut être fait avec Andrea Bagioli au Canada. Accompagnés de coéquipiers qui ne sont pas en reste sur les courses aoûtienne et septembrale, l’Italie est une équipe qui peut surprendre par son potentiel dynamique sur un circuit comme celui-ci.

Avec l’absence de Tom Pidcock, la Grande-Bretagne est privée de son fer de lance. Si l’équipe applique la même stratégie que chez les espoirs, alors Ethan Hayter devrait être la carte maîtresse. Attention sur un circuit pareil à corriger un défaut qui pourrait coûter cher à la figure de proue des Britanniques : le placement. Il est vrai qu’Hayter à une facheuse tendance comme Yates à être placé en queue de peloton. Une équipe avec de nombreux coureurs rapides comme Jake Stewart, Fred Wright ou Ben Turner qui aura pour objectif de s’immiscer dans tous les coups.

Comme toujours Magnus Cort Nielsen est un coureur attendu sur les courses d’un jour après ses performances sur les grands Tours. Mais à regarder de plus près, ce dernier n’a jamais été un adepte des courses d’un jour. Se mettant en lumière, sur les courses par étape où il faut se bonifier avec le temps.
Mais qu’à cela ne tienne Mathias Skjelmose, Jakob Fuglsang et Mikkel Honoré auront toutes les cartes en main pour profiter des mouvements de course. Avec une préférence pour ce dernier qui au-delà de trouver un terrain à sa mesure pour faire parler son moteur et dans le moment de sa saison où il est bien souvent le plus en forme.

Après une deuxième place amère sur le contre-la-montre, Stefan Küng peut être considéré comme la tête d’affiche de la sélection helvétique. Une affirmation qu’il aurait été difficile de tenir l’an passé. Mais force est de constater que le suisse a fait des progrès gigantesques dans les difficultés comme celle du circuit urbain de Wollongong. Un format de course qui pourrait se rapprocher du style de course plutôt ardennais dont il n’est pas en reste. Avec un Mauro Schmid en coleader évident tant sa forme a été convainquante sur les dernières courses. Le coureur de la Quick Step pourrait profiter de ces mouvements de course lui aussi pour faire parler son moteur.

La nation la plus amputée de ce mondial qui devra faire avec les moyens du bord. Si la course semble se diriger vers une usure trop dure pour Ivan Garcia Cortina, le Marc Soler de la Vuelta pourrait aller chercher un titre à la manière. De la même façon qu’il a gagné à Bilbao.

Neilson Powless en chasse gardée avec le groupe des leaders et attendant le bon moment dans les deux derniers tours. Magnus Sheffield dans un rôle plus offensif, tel est le plan des Américains qui devraient être appliqué.

Des Vikings qui miseront sur un sprint d’Alexander Kristoff, ce dont on peut raisonnablement douter. Mais Andreas Leknessund et Tobias Foss ne devraient pas se priver pour tenter crânement leur chance. De gros moteurs capables de tenir la dragée haute à un peloton qu’il ne faudra pas laisser filer trop long de crainte de n’être revu.

Pour gagner Michael Matthews devra espérer un scénario à la Mende. Coureur plutôt défensif qu’offensif, il est évident que personne ne souhaitera l’emmener au sprint. La solution est de courir sans doute contre-nature pour Bling-Bling. Pourra-t-il reproduire sa durabilité face aux attaques des puncheurs comme il l’a fait dans le Poggio ? La question demeure en suspens pour celui qui veut montrer qu’il n’est pas qu’un sprinteur.
VINI VIDI BINI

Même si l’usure de la course pourrait avoir raison de Binian Girmay, la sélection érythréenne misera sur un all-in de son « history maker ». Premier coureur de couleur à être médaillé sur des mondiaux l’an passé, premier à gagner une classique et et à gagner une étape d’un Grand Tour. Un talent exceptionnel pour une destinée sans pareille. Bini fait rayonner le sport africain. Un futur champion du monde a n’en pas douter, un champion du monde qui ferait plaisir pour l’histoire et la personne appréciée qu’il est dans le peloton. Un coureur que personne n’a envie d’emmener au sprint, surtout après une journée asommante.

Sans doute trop facile pour un Nairo Quintana, la meilleure ressemble à un Sergio Higuita dans une course qui pourrait facilement faire penser à Liège-Bastogne-Liège dont il a pris la cinquième place cette année.

Almeida a un terrain à sa convenance, mais il ne faudra pas se faire piéger comme à Trento l’an passé. Une chose est certaine après la Vuelta : la forme est présente.
PREDICTIONS
La France est attendue pour faire le show, mais contre toute attente, ce sera l’Italie qui lancera en premier la course de loin. Un peloton que la Belgique se fera un plaisir de maîtriser. Peter Serry et Stan Dewulf seront lourdement mis à contribuer, mais préserveront au mieux leurs coéquipiers qui n’en n’auront que la tâche plus aisée. Soudain, c’est l’heure : l’attaque de Remco Evenepoel. Seulement problème, Tadej Pogacar a suivi le mouvement accompagné d’une poignée de coureurs, à près de 50 kilomètres de l’arrivée. Les choses rentrent dans l’ordre, la course est décousue. Mais jamais un groupe n’obtient le crédit nécessaire. Au dernier passage du Mount Pleasant, c’est un groupe d’une trentaine d’unités qui se présente. Tadej Pogacar porte un coup de poing que seul Mathieu van der Poel arrive à suivre. Derrière, c’est la débandade. Les coureurs explosent un à un comme des pop-corns. Le remake du Tour des Flandres est en marche. Le duo semble filer vers la victoire. Le peloton est désorganisé… Battu. Mikkel Honoré sort de ce qu’il en reste à 4 bornes de l’arrivée. Mais c’est trop tard. Mathieu van der Poel ne se fait pas avoir par le sprint long de Tadej Pogacar, qui abdique sur la ligne. Pogi se contente d’une médaille d’argent et devient le deuxième coureur de l’Histoire à finir sur le podium d’un Grand Tour, d’un Monument et des Mondiaux la même saison… Après Remco Evenepoel. Faisant de Wollongong, un mondial à part dans l’histoire du cyclisme moderne.
Mathieu van der Poel
Tadej Pogacar
Mikkel Honoré