
187 kilomètres entre Piacenza et Sestola pour un dénivelé positif total de 3078 mètres. Une étape avec un final qui semble proposer une bataille entre les meilleurs puncheurs du peloton et les leaders du classement général. Une étape où le Giro peut assurément se perdre, à défaut de s’y gagner.
La deuxième moitié suggère un terrain difficile à maîtriser. Une réelle opportunité pour les échappées. Mais ceux qui auront pris la poudre d’escampette pourront-ils rallier l’arrivée sans être rattrapés. La victoire de Taco van der Hoorn, nous rappelle que rien n’est figé dans le marbre. Et que même lorsque les échappées matinaux ont une chance infime de gagner, la probabilité n’est jamais nulle pour autant.
LES CHANCES DES ECHAPPEES D’ALLER AU BOUT

Les plus de 80 kilomètres menant à Ciano d’Enza sont totalement plats, ce qui facilite un filtrage des échappées. D’ordinaire plus les chances des échappées sont grandes, plus le peloton a tendance à voir une succession d’attaques interminables jusqu’à ce que le groupe soit autorisé à prendre le large. Toute la question est de se demander :
- la taille du groupe d’échappée
- sa composition en terme de profil de coureurs
Pour cette dernière question, s’il est un impératif, c’est qu’un homme peu dangereux au classement général final ne soit présent dans la bonne du jour. Un homme dangereux actuellement n’est pas un véritable problème en vérité, s’il ne l’est pas pour le classement général à Milan. Les Ineos Grenadiers peuvent et même se devront de se débarasser du poids du maillot à un moment donné en première semaine. Sans, ils n’ont pas à subir le poids de la course dans la défense du maglia rosa. Et peuvent donc économiser une énergie précieuse en vue d’une troisième semaine extrêmement éprouvante.

Le vent au départ jusque Parme, c’est-à-dire sur les 60 premiers kilomètres est totalement de face. Non content d’être défavorable, le vent sera fort, estimé entre 25 et 30 kilomètres par heure. Dans ces conditions, une échappée de gros rouleurs est plutôt à envisager. Peu voudront tenter le baroude avec un vent défavorable toute la journée durant. A moins que le groupe ne soit si conséquent qu’il ne soit trop compliqué voire impossible à gérer. Mais sur un relief si plat, il est plus aisé de faire un filtrage des échappées et d’accorder un crédit à un groupe dont le nombre est plus facile à maîtriser. Le peloton bataillera-t-il dans une journée dantesque jusqu’au pied de la première difficulté ? Très probablement pas.
Avec une journée dantesque, les positions doivent être assez conservatrices avec peu d’équipes prêtent à l’offensive. Durcir la course dans les différentes ascensions de la journée et prendre des risques dans les descentes semble relativement inopportun dès la première journée où le relief est difficile. Néanmoins une fois que la taille du groupe est déterminée et que sa composition l’est aussi. Pour condamner les chances des échappées, il faut qu’une ou plusieurs équipes se mettent en chasse.
QUI POUR MENER LA CHASSE ?
Les Ineos Grenadiers vont-ils défendre le maillot ? C’est toute la question. De prime abord, la réponse semble négative. Filippo Ganna n’est pas en mesure de résister aux offensives dans la dernière difficulté. De plus, il serait bienvenue de se décharger du poids de la course en vue de la troisième semaine. Pourtant l’italien sur ses terres a confié en interview qu’il défendrait ses chances demain. Mais attention à ne pas s’y tromper, défendre son maillot ne veut pas dire faire rouler léquipe pour autant.
Avec Remco Evenepoel, troisième du GC à 20 secondes tout comme son coéquipier, Joao Almeida, quatrième, la Deceuninck Quick Step apparaît en tête de liste pour mener à bien cette tâche. L’occasion est parfaite pour l’équipe belge de revêtir le maglia rosa. Ces deux leaders ont une parfaite raison chacun d’aller à la rencontre du maillot : établir une hiérarchie claire entre les deux hommes. le portugais trouve sur le papier une étape à sa portée et fait figure de leaders le plus rapide au sprint. Quand le jeune belge lui peut, compte tenu de toutes les inconnus autour de sa capacité de récupération sur trois semaines et globalement de ses conditions de reprise de la compétition, se tester dans un rôle de leader du GC sur un Grand Tour.
Tomorrow our focus will be entirely on George. We are here to ride a good GC with him.
ARTHUR VAN DONGEN
Deuxième du GC, Tobias Foss pourrait voir son équipe roulait aussi. Bien que le directeur sportif des Jumbo-Visma annoncait la veille vouloir tester Tobias Foss pour le classement général en ne le bridant pas uniquement au rôle de grégario de luxe de George Bennett. Le chemin inverse semble être pris. Plusieurs inconnus demeurent autour du norvégien, notamment sa capacité à tenir dans un final si ardue. Et pourtant, Foss peut tant prétendre au maillot rose si tel est le cas qu’au maglia bianca (maillot blanc de meilleur jeune). Si les Killer Wasps ne sont pas attendus pour mener la chasse, ils peuvent néanmoins mettre la main à la pâte.
Ce sont plutôt des équipes comme la UAE émirates tant pour Diego Ulissi que Davide Formolo, les Bora hansgrohe pour Emmanuel Buchmann ou même les Israel Start-Up Nation pour Dan Martin qui apparaîssent comme les équipes les plus probables en vue d’un gain d’étape (et éventuellement un maillot de leaders pour le premier dans cette hypothèse).
Le final devrait commencer dans une bataille pour le placement dans la difficulté non répertoriée de Montecreto en vue d’être bien en tête du peloton pour aborder la descente vers le pied de Sestola.
Versant par lequel Giulio Ciccone s’est imposé en 2016, la descente vers Fanano fera l’objet de toutes les attentions pour se pas retrouver piéger ou trop loin pour aborder la dernière difficulté du jour.
Le Colle Passerino : 4.25 kilomètres répertoriés à 9.9 %, un véritable coupe-pattes. Avec un sommet situé à 2.45 kilomètres, que des leaders se marquent est possible mais qu’ils n’en profitent pas pour s’expliquer est inenvisageable. Encore une fois, en début de Giro, l’épreuve ne s’y gagne pas mais peut s’y perdre ou se tendre.
Pentue avec des pourcentages jusqu’à 16 % sur un bitûme qui par endroit ne rend guère. Les probabilités d’attaques avec un fort vent de dos sont d’ailleurs accrus à l’endroit même de ladite photo. Il ne restera que 1.75 kilomètres (à 9.8 %) avant le sommet.

Un final tortueux, pas totalement en descente. Ce qui favorise un groupe ou une victoire en solitaire suivant les écarts au sommet du Passerino.

Peu de visuel sur la courte portion descendante.

Un dernier kilomètre tortueux qui est favorable à ou aux hommes de tête.

Un dernier virage à négocier à 400 mètres de la ligne d’arrivée.

100 derniers mètres
UNE EXPLICATION ENTRE LEADERS INEVITABLE ?
Si explication entre leaders il y a, alors les puncheurs auront fort à faire pour accrocher le wagon de tête. La difficulté semble trop longue pour une bonne majeure partie d’entre eux. L’absence des ogres slovènes, Tadej Pogacar et Primoz Roglic est une bénédiction pour les grimpeurs du peloton qui n’auraient sans doute eu que des miettes à se partager sur ce type de profil.
Sans les deux monstres, le nom qui ressort naturellement est celui de Simon Yates. Le Passerino semble cousue-main pour le britannique. Leader impérial en 2018, il avait alors explosé en chassant tous les lièvres : défense du maillot, bonifications, victoires d’étape. S’agira-t-il comme sur la Vuelta qu’il a remporté à l’expérience. Le marquage sur l’étape du jour semble la meilleure option pour ne pas se découvrir trop tôt.
Le plus à même de porter ce rôle est bel et bien Remco Evenepoel. Etre co-leader lui permet de jouer plus facilement la carte offensive où son binôme n’a juste qu’à suivre les roues. L’offensive est d’ailleurs priviligiée. Le belge l’aura démontré lors du sprint intermédiaire de la deuxième étape, le sprint n’est pas son point fort. Mais peut-on lui en vouloir ? S’il est un coureur qui a peu sprinté dans sa courte carrière tant professionnel qu’amateur, c’est bel et bien R.EV. Véritablement dominateur chez les juniors, les seuls courses qu’il n’a pas remporté sont des épreuves/étapes où il n’a pas fini en solitaire (14 sur 27). Aucune victoire au sprint. La Deceuninck pourrait jouer le coup du Picón Blanco lors du Tour de Burgos avec son duo. Une étape qu’Evenepoel avait remporté et où Almeida avait pris la 5e place ou comme sur l‘Alto da Fóia à Algarve. Deux Tours que le jeune prodige avait remporté avant son terrible accident.
J’ai vu que Remco a vraiment une forme incroyable sur une des dernières ascensions. Je l’ai vu sur le gros plateau et je me suis dit « wow il a une forme fantastique »
Filippo ganna
La forme semble plus que présente quand on écoute les bruits qui se murmurent à l’extérieur et au sein du peloton. A en croire Pippo lui-même.
Un autre coureur qui tient une forme incroyable à en juger par sa performance sur le contre-la-montre de Turin et qui aime les forts pourcentages est bien Aleksandr Vlasov. Le leader de la Astana arrive après un Tour des Alpes réussi notamment sur les ascensions clés du Kaunergrat Piller Sattel et du Boniprati. Sa performances sur l’Angliru l’an passé tend à démontré que le russe aime les forts pourcentages et ne devrait partir d’une montée sélective. Ce qui devrait pêche au moins pour la gagne, ce sont ses capacités au sprint où il est apparu dominé a bien des occasions comme au Tour des Alpes sans être totalement ridicule face à deux hommes prétendus très rapide à savoir Simon Yates et Pello Bilbao.

C’est d’ailleurs ce dernier qui pourrait être un des prétendants sous les radars. Pello Bilbao est aligné en leader de rechange. Ce qui implique qu’il ne doit pas perdre de temps en première semaine pour pallier à toutes défaillances de Mikel Landa. Rapide au sprint sans doute le plus rapide avec Almeida sur le papier, quand bien même son sprint face à Ion Izagirre sous-tend le contraire. Le basque est aussi un coureur qui excelle lorsque les conditions climatiques sont apocalyptiques. Une aubaine et une occasion de victoire pour la Bahreïn-Victorious. Bilbao a cette marge de manœuvre grâce à la présence de Landa qui lui permet de passer à l’offensive. Et si celle-ci échoue ? Son sprint est bien meilleur que celui d’Evenepoel. Ce qui lui donne l’ascendant dans bon nombre de scénarios.
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