Jour-J, c’est le grand jour ! Celui de l’étape reine du Giro et il ne devrait pas décevoir.

5824 mètres de dénivelé positif, tout simplement indigeste… inhumain.

D’entrée les coureurs frapperont le Campo Carlos Magno. Ce qui signifie qu’il faudra avoir fait chauffer le moteur avant le départ sur le home-trainer comme pour un chrono. 3,2,1 partait ! L’échappée à l’image de l’étape de la veille devrait être fournie. Toutes les équipes pourraient y être représentées, excepté la Sunweb. Même la Deceuninck Quick Step pourrait y placer un pion.
Pour la DQS, l’objectif serait d’avoir un pion, à l’avant pouvant servir d’appui, qui ne se verrait pas distancer sous le tempo de la Sunweb. A vrai dire avec probablement le meilleur train en montagne et deux leaders au classement général (GC), cette dernière devrait garder tous ses éléments auprès de Wilco Kelderman et de Jai Hindley. C’est ainsi que Chad Haga, Nico Denz, Sam Oomen, Chris Hamilton et Martijn Tusveld devraient être en ordre de marche.
L’équipe belge aura tout intérêt de courir comme elle a couru jusqu’à présent : en laissant filer l’échappée. Faisant grimper les écarts, l’équipe néerlandaise devra prendre le peloton en main comme elle l’avait fait dimanche lors de l’étape de Piancavallo.

Si les près de 53 kilomètres qui séparent Lana (situé en bas de la descente du Passo Castrin) et le pied du Stelvio sont trop plats pour espérer des offensives dès le début d’étape. Ce répit est une bénédiction pour l’équipe de Wilco Kelderman pour faire fondre l’écart sur les échappées.
Avec un groupe conséquent, on pourrait croire que les chances des échappées sont grandes. Mais trois éléments viennent perturber les plans des baroudeurs.
- UNE ÉCHAPPÉE QUI AURA DU MAL À S’ENTENDRE
Avoir trop de coureurs dans une échappée n’est jamais bon. D’une part, les équipes comme les équipes italiennes invitées, la AG2R, la Lotto Soudal, la CCC ou encore la EF Education First et même la Movistar n’ont plus que les étapes à jour. Les espoirs de podium au Général étant envolés. Elles se doivent d’être représentées à l’avant, de préférence en sur-nombre. De ce fait, si certains se sacrifieront pour que l’échappée prenne suffisamment de chance. Les meilleurs atouts pourront rester planqués au chaud à se faire oublier. Un premier signe de discord au sein du groupe de tête. D’autre part, les équipes de leaders n’ont d’intérêt à collaborer que pour passer des relais qui ralentissent l’échappée. En effet, les pions placés à l’avant par les Trek Segafredo, Astana, Ineos Grenadier, Bahreïn, Bora Hansgrohe ou NTT Pro Cycling voire des UAE-TEAM Emirates ne devraient pas chercher à collaborer. Leur rôle est simple : servir de relai pour leur leader en vue d’une attaque ou d’un possible esseulement. Créeant un peu plus une zizanie déjà omniprésente.
- LE STELVIO EN JUGE DE PAIX

24.7 kilomètres répertoriés par l’organisateur à 7.5%, le Stelvio est un colosse. Un titan dont le pied débute à 911 mètres d’altitude pour grimper jusque 2757 mètres d’altitude. Faisant du mont des dolomites, la Cima Coppi (col le plus haut de cette 103e édition). Au delà des 2000 mètres, l’air se fait pauvre en oxygène. A partir de ce moment clé, les coureurs sont en dette d’oxygène. Il faudra être armé et aimé les hauteurs vertigineuses pour ne pas subir le poids de la course. Les écarts créés sur ce genre d’étapes peuvent vite se compter en minutes.
- UNE DESCENTE, SOURCE D’INSPIRATION POUR LE REQUIN DE MESSINE

Après un écrémage naturel dans le Stelvio, la descente frappe les coureurs pour rallier les abords de Birmio à Premadio.
Dès ce dernier point, il ne restera plus que 15.5 kilomètres pour rallier le barrage du Lac de Cancano. D’où la nécessité d’avoir des points d’appui à l’avant qui devront soit essayer de suivre au Stelvio pour se sacrifier dans la montée finale, soit mettre en orbite son leader dans le Stelvio en permettant de creuser un écart conséquent.
- UNE MONTÉE FINALE BEAUCOUP MOINS INDIGESTE

8.7 kilomètres à 6.8%, l’ascension finale est la plus simple de la journée. Bien évidemment avec une telle journée dans les jambes, les pourcentages peuvent vite devenir insoutenable aussi faibles soient-ils. L’attendre pour y faire l’écrémage aurait un parfum de « trop tard ». Tout coureur rêvant de général doit l’aborder en tête. D’abord parce qu’en son pied, le second sprint intermédiaire s’y trouve. Offrant 3″ de bonifications au coureur qui y passe en tête . Ensuite, parce que le dernier kilomètre est plat (seulement 0.3 minuscule pourcent). Enfin, parce qu’au bout se situe l’arrivée offrant 10 secondes de bonifications au vainqueur. Rien que pour cette aspect, Kelderman pointant à 15″ d’Almeida devrait être inspiré de tenter le baroude. Tout comme Tao Geoghegan Hart qui n’est qu’à une misérable seconde du podium et 2’42 » du leader de la Sunweb, favori à la victoire finale.
Nul doute que le plus fort se dégagera de cette journée infernale, pas de place au hasard. Il n’est donc pas un hasard de voir le britannique favori du jour. À l’attaque sur les pentes du Roccaraso, le leader de substitution de Geraint Thomas impressionne depuis. Auteur d’une attaque tranchante sur les pentes du Calaone à Monselice, il a toujours semblé serein jusqu’à présent. Véritablement aérien sur les pentes du Piancavallo, le coureur d’Inès Grenadier s’est certes imposée dans une victoire qui ressemble à une victoire « negociée ». Mais il semblait en mesure de faire mieux… Probablement beaucoup mieux. Avec presque 3′ de retard sur Kelderman avant un chrono de clôture à Milan, rien n’est fait pour le british qui rêve pour l’heure de monter sur le podium. Mais l’occasion est belle de tenter le va-tout. D’autant que sur le pente du Piancavallo où il semblait au rupteur et à l’arrivée de San Daniele del Friuli, Kelderman a paru friable. Dans la lignée de sa troisième semaine ultra offensive sur la Vuelta 2019, Tao Geoghegan Hart est à l’aise dès que la route s’élève. Tout pointe pour en faire le favori presque incontestable de l’étape du jour.
Lorsque l’on parle des dolomites, on ne peut exclure Vincenzo Nibali. Pointant à 3’31 » de João Almeida, l’italien n’a guère le choix. Il doit attaquer comme il l’a fait en 2017 dans l’étape mythique de l’enchainement Mortirolo-Stelvio-UmbrunPass. Une étape rendue célèbre par Tom Dumoulin s’y arrêtant pour satisfaire un besoin pressant. Que ce soit à Corvara en 2016, à Ortisei/St. Urlich en 2018 ou à Monte Avena l’an passé. Nibali répond très souvent présent dans les montagnes des dolomites. Ses atouts de descendeurs sont un avantage indéniable qui devrait l’inciter à l’attaque sur les pentes du Stelvio. Il est vrai que plus les hauteurs sont vertigineuses, plus le requin de Messine est à l’aise. Ne reste qu’un point d’interrogation : en a-t-il les jambes ?
PRONOSTICS
Vincenzo Nibali vainqueur : 12 – 0.25% (PMU)
Tao Geoghegan Hart et Vincenzo Nibali podium : 5.25 – 0.25% (Betclic)