Une étape le lendemain d’un jour de repos n’est jamais anodine. Certains digèrent plus ou moins bien cette journée si spéciale pour recharger les batteries avant une troisième semaine qui s’annonce tout simplement diabolique. L’étape de mercredi promet un dénivelé positif de 5650 mètres. Le lendemain, la bonne nouvelle est que le Stelvio actuellement enneigé semble praticable. La mauvaise repose dans les 5847 mètres de dénivelé que comporte l’étape. Et enfin la dernière étape de haute montagne, à la veille du chrono de clôture du Giro à Milan, comporte quant à elle 5364 mètres. Un programme titanesque qui pourrait inciter à une journée plutôt calme demain. A moins que les résultats des tests PCR n’en décident autrement comme cela a été le cas pour l’étape de Tortoreto. Peter Sagan pourrait une nouvelle fois être le facteur X de cette étape dans une quête au maillot cyclamen.

229 kilomètres, le lendemain d’une journée de repos, ce n’est déjà pas rien. Mais en entame de troisième semaine, cela relève presque de la cruauté.

Comme à l’accoutumée, la bataille pour prendre le large devrait être âpre sur les 20 premiers kilomètres. La bonne devrait se dessiner sans trop de surprises dans l’ascension de la Madonnina del Domm. Le filtrage devrait en conséquence être facilité en théorie et les coureurs en tête des classements du Breakaway et du Fighting Spirit Prize : Marco Frapporti, Simon Pellaud, Mattia Bais devraient tenter s’extraire du peloton pour une énième journée de galère. S’ils en ont les capacités car les pures grimpeurs seront sans doute inspirés par cette journée potentiellement tranquille pour les coureurs du classement général.

C’est sur le circuit final parcouru sur deux tours complets et plus de la moitié d’un tour supplémentaire en entrant dessus que la décision finale se jouera.

Principale difficulté du parcours, la montée du Ragogna est infâme. 2.8 kilomètres à 10.4% de répertoriés par l’organisateur place le monstre au panthéon du barbarisme. Avec une pente maximale à 16.8%, les puncheurs vont se régaler. Gageons que Mikkel Bjerg cette fois me misera pas en début d’étape sur Fernando Gaviria son sprinteur.

Dès le pied, la route ne guère de place. La bataille de positionnement que nous avons vu dans les ascensions des murs du Roccolo et du Calaone à Monselice se répétera.

Si la météo pouvait être importante, notamment avec le vent de dos qui pousse les coureurs et incite à passer à l’attaque. En pleine forêt, l’impact du vent est nulle. Les arbres protégeant le secteur.

Quoi qu’il en soit, le peloton sera nécessairement étiré sur des routes si étroites.

Les pourcentages les plus raides sont sur le premier kilomètre 650. La pente est légèrement plus douce sur le kilomètre restant mais reste à plus de 8%.

A partir du sommet, il ne restera que 13 kilomètres pour rallier l’arrivée. Les similarités sont nombreuses avec le final de Monselice.

Avec une descente étroite, elle aussi…

… mais absolument pas technique. Située en pleine forêt, elle n’offre que peu de visuel. Un avantage indéniable pour un coureur en solitaire ou un groupe qui s’est extrait dans la montée du Ragogna.

A la suite de quoi, il faut une nouvelle fois faire face à 8 kilomètres quasi de plane en traversant les villages pour rallier l’arrivée.

Une partie qui encore une fois n’offre que peu de visuel.

Au sein du dernier kilomètres, il faudra être costaud avec…

… en son début 250 mètres où la route se dresse jusqu’à 16%.

Pour finir par 210 derniers mètres de ligne droite à 8% qui devraient s’avérer facilement en arrivant lancé. Viré en tête serait primordial tout en ayant un certain punch et de la puissance en cas d’arrivée en petit comité.
Qui pour mener la chasse derrière les échappées ?
Toute la question repose sur le filtrage dans la première ascension. Il est compliqué de pouvoir contrôler dans une telle difficulté.
L’équipe qui semble toute désignée pour chasser est la UAE-Team Emirates. Pour cause, vainqueur de Monselice, Diego Ulissi a un terrain à sa mesure avec un final on ne peut plus parfait pour l’italien. L’avantage reposant sur une double qualité : le vainqueur d’Agrigento et de Monselice peut gagner tant dans l’échappée que depuis le peloton. Tout dépendra donc d’Ulissi pour l’équipe emirate.
Découlant de cela, la Bora Hansgrohe est sans doute l’autre équipe forte capable de faire le job. Avec 37 points de retard sur Arnaud Demare au maillot cyclamen, Peter Sagan n’a plus de temps à perdre. L’arrivée offre 25 points quand potentiellement sur les étapes restantes, le slovaque semble en mesure d’aller chercher 24 points supplémentaires aux sprints intermédiaires. En prenant en compte, la supporté du français sur le triple champion du monde lors du sprint d’Asti (étape 19). Le débours pourrait être augmentés de 15 points supplémentaires ce jour là, si l’ordre jusqu’à présent observé se répète. C’est-à-dire Demare vainqueur, Sagan 2e. Sortons les calculettes, dans un tel scénario presque idéal pour le coureur de la Bora, le maillot sera perdu pour 3 petits points. Ce qui place les points du sprint intermédiaire de Moimacco dans la catégorie indispensable. Toute la question est de savoir si Sagan peut réussir lui aussi à s’échapper. Sans doute la meilleure option est de filtrer une échappée vraiment peut fournie. Pour embrayer dans le Monte Spig afin de lâcher le leader du classement par points et récolter les points restants du sprint intermédiaire au bas de la descente. Ne restera plus qu’à attendre le circuit final pour tenter d’aller glaner la victoire finale.
La Deceuninck Quick Step a encore le maillot rose avec João Almeida mais le matelas est désormais faible, seulement 15″. Dans un final siant parfaitement au portugais, l’équipe belge serait bien inspiré d’aller chercher le gain de l’étape avec les bonifications à la clé et même de tester les autres leaders. Après une journée de repos, une telle étape peut être génératrice de dégâts. Les dommages peuvent être conséquents, si un leader est vite en perdition. Cependant, si le portugais venait à perdre le maillot. Il est un assessit que l’équipe peut viser : le classement de la meilleure équipe. Almeida, Knox et Masnada sont un gage de bien y figurer. L’équipe ne pointant qu’à 1’26 » des Ineos Grenadier, elle n’a aucun intérêt à laisser toutes les autres équipes se replacer avant d’aborder les étapes alpestres.
En bonne position avec le 2e et le 3e du GC, la Sunweb est désormais l’équipe forte. Le favori du Giro est en bonne position. L’équipe a montré toute sa force sur l’étape de dimanche, qu’elle sera nécessairement attendue. Wilco Kelderman avec un faible débours a une occasion de revêtir la tunique rose dès demain. Prendre la maillot permettrait à l’équipe de ne pas subir le poids de la course en le laissant aux Ineos, principal danger pour la victoire de Kelderman. L’équipe britannique qui serait obligé de prendre les choses en main pour déstabiliser le leader du GC.
Traditionnellement à l’attaque, il ne faut plus compter sur les Ineos Grenadier pour aller de l’avant. 4e du Général, Tao Geoghegan Hart pointe à seulement une misérable seconde du podium et 2’42 de Kelderman. Avec les étapes de haute montagne qui arrivent, l’écart semble conséquent mais est potentiellement dérisoire. Le britannique a montré tellement de force, qu’il apparaît comme un favori du Giro et la plus grosse menace pour le néerlandais.
Que ce soit la Bahreïn Mérida, la Trek Segafredo ou même la NTT Pro Cycling, toutes peuvent tenter de déstabiliser le groupe des leaders à l’instar de cette dernière jeudi dernier à Cesenatico ou de la Bora mardi dernier a Tortoreto. D’une part dans l’optique d’un replacement mais aussi dans le but de faire vasciler une ou plusieurs têtes d’affiche.
En d’autres termes, tout dépend des conditions mais la main d’œuvre pour chasser est présente. Sûrement est-il trop tôt pour affirmer que personne ne voudra chasser ou ne le peut.
Du fait du repositionnement stratégique de la Ineos Grenadier, le peloton devrait être au moins dicté par les britanniques. Qui malgré la perte de Narvaez apparaît comme une des équipes fortes capables de le faire sur une telle distance. La montée étant trop dure pour Ulissi et Sagan si des grimpeurs bataillent. L’étape semble promise au peloton avec une telle main d’œuvre.
Le circuit final offre pas mal d’occasions dans la Monte di Ragogna. La première semble un peu loin pour tenter le coup. Située à 66.9 kilomètres de l’arrivée, même pour durcir la course, le mouvement semble osé dans une course à étape comme le Giro d’Italia. Et cela dit au vue de la composition du circuit, sur une classique aussi. La deuxième est située à 40 kilomètres mais cela implique de ne jamais débrancher du parcours pour mettre hors jeu définitivement tous coureurs lâchés.
Avec le besoin de main d’œuvre dans le dernier tour, tout devrait donc se jouer la troisième et dernière fois que le peloton s’attaquera à Ragogna. Située à 13 kilomètres, la minute de retard peut tout de même très vite grimper comme le groupe Demare a pu le constater à Monselice lors du Calaone.
De par les routes étroites, la bataille de positionnement va nécessairement accélérer le rythme en tête du peloton. Matteo Fabbro est encore attendu pour y étirer le peloton jusqu’au point de rupture. Où Sagan tentera comme un diable de survivre. La Bora ayant pour avantager de rouler soit pour Sagan en vue du maillot cyclamen, soit pour Rafa Majka et Patrick Konrad en vue du GC et pourquoi pas pour les trois.
Un retard de 30″ au sommet n’est pas rédhibitoire mais impossible à rattraper dans la descente. La portion plane n’offre que peu de visuelle, l’avantage est au groupe de tête qui doit nécessairement s’entendre.
Le dernier kilomètre est favorable à un coureur qui a du punch en partant dès le pied. Les forts pourcentages s’abordent à la suite d’un virage qui fait que les coureurs ne seront pas lancés.

Fort dans le Calaone où il a placé une attaque tranchante en étant rattrapé par Ruben Guerreiro, Tao Geoghegan Hart a l’occasion de faire la passe de deux. Mais aussi de monter momentanément sur le podium du Giro par le jeu des bonifications en cas de victoire. Apparaissant comme le plus fort sur les pentes du Piancavallo, le coureur de la Ineos Grenadier apparaît comme un candidat crédible à la victoire. Si ce n’est désormais le favori avec les étapes de montagne restantes. A l’attaque sur les pentes du Roccaraso, le jeune britannique a une voie royale pour s’emparer d’un grand Tour. Lui qui est dans l’ombre de ses leaders : Egan Bernal, Richard Carapaz, Geraint Thomas. Et qui devra être au service potentiellement de coureurs comme Adam Yates, Daniel Martinez ou même Tom Pidcock dans les années à venir. Sans oublier Pavel Sivakov parmi les non arrivants. Le vivier des Ineos Grenadier est donc fourni, il n’est pas certain que Tao est sans carte. Si tenté que son contrat soit renouvelé. Rappelons que TGH n’a encore signé aucun contrat, l’intérêt semble double pour obtenir une place de leaders dans une autre équipe et pour porter son nom au palmarès d’un Grand Tour. Sa 4e place lors du sprint de Monselice montre que sa pointe de vitesse est tout sauf abominable. Ses performances sur la Vuelta l’an passé au Santuario del Acebo puis le lendemain à Alto de La Cubilla montrent sa bonification tout au long des trois semaines d’un Grand Tour. Et ses victoires notamment sur le Tour des Alpes 2019 démontre que sur ce genre de final, il est l’un des meilleurs. Rappelons qu’il aura régler un groupe avec Alex Aranburu à Kufstein. Mais ce n’est que confirmation de ses podiums chez les espoirs à la Doyenne des classiques.

Même schéma que Monselice ? Patrick Konrad doit être le candidat tout désigné pour la Bora. 3e derrière Diego Ulissi et Joao Almeida pour un boyau. Sa pointe de vitesse déjà vu à la Klasikao y a été confirmée. Il est vrai que se faire battre par Greg van Avermaet, Marc Hirschi, Gorki Izaguire qui ne sont pas réputés pour être les moins rapides du peloton des leaders, vous place un bonhomme. Au regard de ses résultats au Mur de Huy sur la Flèche Wallone, on sait d’or et déjà que l’autrichien est explosif. Le final est donc parfait pour lui.

6e à Monselice, Sergio Samitier est de ces coureurs comme Ruben Guerreiro ou Diego Ulissi qui peuvent gagner devant en échappée comme derrière avec le peloton des leaders. Nombre sont donc les scénarios qui parlent en sa faveur. 8’11 » c’est le temps qu’il aura perdu lors du contre-la-montre du Prosecco. Une perte qui n’est nullement due à une défaillance. Mais bel et bien fait exprès en vue de pouvoir avoir un bon de sortie sur les étapes à venir. Comblant l’écart de deux minutes sur l’échappée de costauds déjà formée dans la montée de Sella Chianzuta, en lâchant un Ruben Guerreiro pourtant à la lutte pour le maillot de meilleur azzura de grimpeur. L’espagnol de la Movistar a confirmé sa forme. Sous les radars en étant à près de 21′ du leader, le 3e du classement de la montagne de la Vuelta 2019 peut profiter de sa position, pour naviguer sans crainte d’être chassé pour sa dangerosité au GC.
PRONOSTICS
Tao Geoghegan Hart vainqueur du classement général : 6 – 0.25% (Winamax)
Tao Geoghegan Hart vainqueur / Top 3 : 20 / 6 – 0.25% (Betclic/Winamax)
Patrick Konrad vainqueur / Top 3 : 30 / 8 – 0.25% (Betclic)
Sergio Samitier vainqueur / Top 3 : 35 / 12 – 0.25% (Zebet/Winamax)