
Séisme dans le monde de la pédale, Froome et G. Thomas ne seront pas au départ de cette 107e édition. Cependant, si rarement un Tour de France n’a été aussi dur. La crise sanitaire a pourvu cette Grande Bouche d’un plateau exceptionnel. La quasi-totalité des équipes emmène leurs meilleurs coureurs. La bataille pour le maillot jaune s’annonce épique. Mais l’ombre d’une lutte entre deux mastodontes pour l’hégémonie suprême sur le peloton World Tour plane au dessus des 218 coureurs qui prendront le départ. La course en sera-t-elle aceptisée comme les années Sky nous l’ont maintes fois démontré ? La question demeure en suspens.
Où faire basculer le Tour ?
Si on se réfère au tableau des divers scénarios pour l’attribution des points du classement du maillot vert, certaines arrivées semblent promises aux leaders. C’est donc sur ces étapes que nous allons nous pencher.

Première arrivée au sommet. Pas d’une particulière difficulté, mais de premiers petits écarts peuvent se créer et une première hiérarchie s’établir.

Toute la question est de savoir combien de temps auront d’avance les échappées dans le Col de la Lusette. Les bonifications au sommet pourraient inspirer les attaques et favoriser un écrémage dans le groupe des leaders.

Un enchaînement Port de Balès / Col de Peyresourde qu’il faut pouvoir digérer. Une arrivée qui sera jugée dans la descente menant à Loudenvielle. Les organisateurs ont encore tout bien pensés avec des bonifications au sommet de Peyresourde. Couplées à la descente, tous les ingrédients sont présents pour inciter au mouvement.

Encore une position stratégique avec des bonifications au sommet du Col de Marie Blanque mais les 8km de faux plat montant vers Laruns devrait inciter à laisser l’échappée prendre du large tout en refroidissant tout mouvement dans le dernier col en cas de groupe des leaders.

Une étape usante avec un final favorisant les mouvements. Enchaîner les pourcentages difficiles du col de Neronne et le Pas de Peyrol avec des bonifications au sommet du premier n’arrangera pas les choses. Une nouvelle journée où le Tour ne se gagne pas mais peu se perdre assurément.

Un Grand Colombier apprécié de Thibaut Pinot pour une arrivée au sommet qui va faire des dégâts : 17.4km à 7.1%. Tout est dit. Situé avant le second jour de repos, il devrait y en avoir de partout.

Situé entre un jour de repos et un triptyque dantesque, l’étape a toutes les allures d’une étape pour les baroudeurs. Est-ce que les bonifications au sommet de la Montée de Saint-Nizier-du-Moucherotte serviront d’appât ? Seules les équipes en décideront. Mais les meilleurs puncheurs parmi les leaders retrouveront un terrain à leur mesure avec l’arrivée a Villard-de-Lans.

Se coltiner le Col de la Madeleine et une chose mais poursuivre avec l’arrivée au sommet inédite du Col de la Loze en est une autre. Une étape que tout le monde redoute et qui devrait inspirer Bernal comme l’Iseran a su le faire. Avec ses 2304m, le Col de la Loze est le toit de ce Tour.

Une journée au cumul de dénivelé qui restera dans les pattes. La Montée du Plateau des Glières semble loin de l’arrivée mais ses pourcentages sont sévères et c’est presque que de la descente qui s’en suit sur les 31.5km qui mènent à la Roche sur Foron.

Le jour-J pour Pinot qui joue à domicile. Seul chrono du Tour et en montée raide, un réjouissement pour le français. Mais de courte durée, il faudra avant faire face à la vallée y menant et pendant à la concurrence notamment de Roglic et Dumoulin. Pas une mince affaire en somme.

Avec un roster monstrueux, la Jumbo fait figure de favorite avec Primoz Roglic en tête d’affiche. Le champion de Slovénie comme l’an passé est apparu imbattable sur toutes les courses d’une semaine qu’il a disputé glanant quatre classements généraux d’affilée sur ce type de course. Si ce n’est cinq s’il n’avait pas été contraint par son équipe à l’abandon en vue du Tour sur le Dauphiné. Véritable épouvantail du peloton, Roglic sait tout faire : sprinter en petit comité, grimper et faire parti du gratin mondial des meilleurs rouleurs du monde. Toutes les qualités réunies pour briller sur un Grand Tour. Et si Roglic ne brillait que sur les courses à étape mais non. Le leader de la Jumbo-Visma a su affiché une santé de fer lors des courses de fin de saison italienne l’an passé. C’est simple Roglic est un coureur qui est en forme tout au long de la saison. Une forme qui parfois remet en cause ses capacités à tenir sur trois semaines comme le montre son craquage sur le Giro. Mais n’oublions pas qu’il avait perdu du temps sur ennui mécanique et chute. Que Carapaz a su profiter à merveille du marquage Roglic/Nibali. La leçon semble avoir été retenue tant il a été toujours au dessus sur la Vuelta et il n’a jamais été vraiment inquiété par ses principaux rivaux.
Cette année encore, Roglic semble une jambe au dessus de tout le monde à l’entrée de ce Tour 2020. Cependant, quand on voit le répit que peu offrir la deuxième semaine en terme de difficultés à gravir, les principaux risques y demeurant dans les risques de bordures dans les étapes vendéennes. La troisième semaine semble être charnière. Quand on voit l’armada des Wraps et leur coordination déjà maîtrisée sur le Tour de l’Ain et le Dauphiné, difficile de ne pas anticiper une course par l’asphyxie. Un avantage net pour le slovène qui pourrait éliminer par l’arrière ses concurrents, empêcher les plus téméraires d’attaquer et lisser son effort en montée. Que ce soit sur le Giro, la Vuelta et le Tour, Roglic a montré ses capacités de récupération et son endurance sur trois semaines.
Comment ne pas se résoudre à citer le slovène comme l’ultime favori ? En vérité, seule un incident semble se mettre en travers de la route de Roglic. L’habitude des vainqueurs « surprises » comme Carapaz sur le Giro qui devrait être estimé à 1.25%, G. Thomas ou Bernal sur le Tour estimé respectivement à 6.67% et 16-10%, nous font oublier que les dernières années le grand favori a su répondre aux attentes. N’oublions pas que Roglic était le favori (cote à 3) d’une Vuelta qu’il a maîtrisé de bout en bout. Cependant, Roglic contrairement aux autres favoris des Grands Tours précédents doit faire face à une concurrence plus rude et une concurrence interne.

A ce jeu, Tom Dumoulin apparaît comme un pion essentiel. Au service de son leader lors du Tour de l’Ain et du Dauphiné, TomDum ne s’est jamais livré à 100%. Partisan d’un co-leadership, il est peu probable de le voir concéder du temps en vue de prévenir une éventuelle défaillance du leader numéro 1. Bien qu’ayant été contraint à une longue période de convalescence et qu’il n’ait plus participé à un GT depuis le Tour 2018 où il a pris la deuxième place. Le néerlandais a montré qu’il avait la caisse sur trois semaines. Ses aptitudes de rouleurs en font un prétendant à la Planche des Belles Filles. Mais ses qualités sur les efforts lissés nous font vite oublier sa présence dans les plus forts pourcentages. Si TomDum n’a pas le punch de certains, sa présence dans les meilleurs sur le final d’Innsbruck devrait rappeler à pas mal que Dumoulin est un coureur qu’il ne faut pas négliger. Le problème devrait plus se poser sur les pourcentages raides et longs. Sa volonté de ne pas perdre du temps au Général dans les premières étapes a un double avantage. Le néerlandais peut au fil des jours devenir le concurrent principal de son coéquipier. A l’instar d’un Froome avec Thomas ou Wiggins. Dès lors, l’hypothèse d’un passage de flambeau entre les Ineos et la Jumbo n’auraient rien d’étonnant et voire deux Jumbo sur le podium reste tout à faire envisageable. Mais pour cela il ne faut pas une défaillance dans le train de la Jumbo. Un coup de moins bien pour G. Bennett ou Kuss sur une étape clé et le néerlandais pourrait être mis au service de l’équipe et mettre de côté ses ambitions personnelles.

Le duel avec les Ineos est lancé. L’équipe britannique est sur le papier solide avec un trident où Bernal se dégage en leader quasi incontesté. Épaulé de Carapaz et Sivakov, ok aurait aimé voir cette composition en préparation pour le Tour. Dans une organisation un peu brouillon et de dernière minute, les Ineos Grenadier semble à bout de souffle. L’ère Froome est révolue et la perte de Nicolas Portal est un gros coup dur tant il était la tête et les épaules de l’équipe britannique quand il fallait montrer un sens aiguisé tactiquement. Le tracé n’est pas le meilleur pour Bernal, rares sont les occasions de creuser les écarts sur les Jumbo. Et le Col de la Loze semble être la seule réelle occasion d’assommer le Tour. La meilleure solution semble de laisser un second couteau comme Sivakov tenter sa chance qui pourrait profiter du marquage des leaders, à l’instar d’un Carapaz audacieux durant le Giro.

Pour gagner le Tour, Pinot lui devra faire preuve d’audace. Capable de prendre des bonifications à Roglic aux arrivées au sommet et sur des arrivées plus favorables à son punch, l’unique chrono de la Planche est à la fois salutaire et porteur d’une pression énorme, en étant sur ses terres natales. Mais peu de chance de le voir déstabiliser le train de la Jumbo avec un train Ineos en embuscade qui laissera le poids de la course à la formation néerlandaise pour tenter d’user ses éléments au fil des jours.

Quand on parle de prétendants au podium, on ne peut pas éviter l’autre talent slovène. Le jeune Tadej Pogacar est un futur vainqueur de Grand Tour en puissance. Mais face à un plateau si relevé, le leader des UAE Emirates n’aura pas autant de fenêtres de tirs qu’il n’en a eu en Espagne. Buchmann aura-t-il récupéré de sa chute lui qui a annoncé vivre ce Tour au jour le jour ? Miguel Angel Lopez sera-t-il suffisamment en jambes pour ne pas perdre de temps d’emblée ? Quintana, Landa, etc tous apparaissait comme des candidats sérieux au podium avant que des points d’interrogations ne viennent ponctuées ces affirmations.
PRONOSTICS
Roglic ou Dumoulin vainqueur : 2.267 – 0.5% (Unibet et PMU)
Tom Dumoulin podium : 2.75 – 0.5% (Pasinobet)